Quai Ouest

de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène Rachid Zanouda
une création de la Cie Humanus Gruppo


Scénographie  Rachid Zanouda / Fabrice Le Fur
Création sonore Mikael Plunian
Création lumière Jean-Jacques Beaudouin
Collaboration artistique François Tizon

Avec
Marc Bertin - Maurice Koch 
Stephen Butel - Fak  
Marie Payen - Cécile
Vincent Guédon - Charles
Anne de Queiroz - Monique
Arnaud Saury - Rodolfe
Marie Favre - Claire
Jean Sukama-Bamba - Abad
   
Spectacle créé du 23 mars au 8 Avril 2010 au Théatre National de Bretagne
En tournée -
Du 4 au 9 Août 2010 Tampere (Finlande)
Du 12 au 18 octobre Vie Festival Modena (Italie)
Du 24 au 26 Octobre Caen - Comédie de Caen



"… Au-dessus de moi s’élevait l’édifice colossal de la société, 
et à mes yeux la seule façon de m’en sortir était par le haut… "
Jack London, Ce que la vie signifie pour moi.


© Caroline Ablain 2010
Sur les quais d’une ville portuaire abandonnée, dans ce que Bernard-Marie Koltès nomme un hangar désaffecté, une rencontre impossible a lieu. Un homme d’affaires, Koch Maurice, qui fuit un procès pour abus de bien sociaux et un jeune homme, Charles, fils ainé d’une famille d’immigrés habitant encore les lieux, vont nouer, sans le savoir, leurs destinées.

Maurice, suivi par sa secrétaire Monique, est à la recherche d’un endroit qu’il a connu par le passé afin de se suicider et s’éviter ainsi tout procès.  Il est certain qu’en traversant ce hangar il retrouvera le bord du fleuve (" … là où l’on a une bonne vue sur le nouveau port… ") pour y mettre deux pierres dans ses poches et se noyer.

Charles, parce qu’il a besoin de cet homme, tente de s’opposer à sa demande mais en vain, Maurice réussit à passer et se jette dans le fleuve. Il est sauvé par Abad, un noir qui ne s’adresse qu’à Charles et dans le creux de son oreille.

© Caroline Ablain 2010
Monique retrouve Maurice trempé et blessé. Désespérément, elle cherche, avec sympathie, haine, chantage… à trouver une solution pour sortir de cet enfer qui fut autrefois le quartier de son enfance. Elle promet à Charles de l’emmener avec eux "… de l’autre côté…" là où Charles désire, en secret, se rendre.

Cécile, Rodolphe (les parents de Charles), Claire (sa petite sœur) et Fak (un ami de Charles), depuis l’arrivée de ces deux "étrangers", se rendent compte que Charles n’agit pas comme il doit le faire, comme cela doit se faire dans un lieu pareil. Cette non-action de sa part est comme une tempête pour cette micro-société, elle explose un certain ordre établi qui leur permet de se maintenir en vie.

Rodolphe, en ancien militaire, donne sa kalachnikov à Abad pour qu’il tue Maurice afin de rétablir l’ordre. Avant que celui-ci ne parte avec l’arme, Rodolphe lui dit : "… si tu n’as tué qu’un seul homme tu es seulement à égalité avec ta mort… pour laisser une trace de toi il te faut en tuer deux…"

© Caroline Ablain 2010
On vient de jeter le cadavre de Maurice dans le fleuve, son corps flotte sur l’eau et s’éloigne.

Abad tue Charles.
Charles est parti.









NOTE D'INTENTION


"Il y a dans Quai Ouest une notion de la tragédie, au sens fort du terme, qui doit apparaître dans la représentation théâtrale, donc dans le traitement de la mise en scène. Il est, à mon sens, très important de prendre en considération la destinée et l’évolution poétique des  personnages pour extirper l’œuvre de son ²carcan² social (sinon elle est réduite à un simple fait divers).  Comme à l’époque de la tragédie grecque, Quai Ouest est une pièce qui doit participer à l’amélioration de la Société Humaine.


Bernard-Marie Koltès fait se rencontrer, dans un lieu hors de tout, de l’ordre du néant, deux personnes que rien ne lie si ce n’est cette quête dont ils ne donnent, ni l’un ni l’autre, le nom. Cette quête va devenir, très vite, le noyau de la pièce. La direction du jeu se fera en lien direct avec cette quête que Charles impose, sans forcément le vouloir, aux autres personnages ; je veux dire que l’acteur qui interprètera Charles deviendra le chef d’orchestre de la pièce.  Chaque mouvement, chaque choix, chaque action de Charles ont un impact physique sur tous les personnages et donc sur la pièce elle-même.

L’espace scénique où se déroule l’action ne peut pas être rendu logique et il n’est pas nécessaire d’essayer de le rendre logique (je pense, en vérité, que c’est impossible). J’ai la forte conviction que plus la pièce avance et plus le hangar subit le chaos du récit, ce qui le rend dédalique. L’espace est bouleversé par l’évolution des personnages et de la pièce, il en devient incohérent.  C’est dans ce lieu qui, au fil de la pièce, ressemble de plus en plus à un labyrinthe que les personnages sont obligés d’évoluer ; un espace connu mais qu’ils ne reconnaissent pas à cause de ce qu’il s’y passe (ou ce qu’il ne s’y passe pas, selon où l’on se situe). Le lieu devient alors un univers brut où tout est à (re)faire où chaque individu devient ²étranger² à l’autre.

Le théâtre (le plateau) est un outil où la langue de Koltès parle du monde d’aujourd’hui sous forme de fable. Les personnages, dans un ²souffle tragédien² et dans une culture classique du théâtre grec, voire shakespearien, nous renvoient à des questions politiques avec un langage poétique, simple et directe.

C’est dans la langue que Bernard-Marie Koltès met à disposition des personnages, que se situe le mouvement politique de la pièce, et c’est dans un état de plateau déstructuré que la violence sociale résonne."


Rachid Zanouda